Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7986

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 164-165).
7986. — À M. TABAREAU[1].
8 auguste.

J’ai reçu, mon cher correspondant, le livre anglais que vous m’avez envoyé. C’est une traduction des Églogues de Théocrite en vers, et la meilleure sans contredit qu’on ait jamais faite. Ce Théocrite, à mon sens, était supérieur à Virgile en fait d’églogue.

Vous m’avez demandé trois volumes des Questions sur l’Encyclopédie ; il n’y en a encore que deux d’imprimés, et les trois ne paraîtront que vers le mois de novembre. Cela ne sera pas trop bon mais il y aura des choses fort curieuses.

Vous m’aviez promis une estampe de M. le duc de Choiseul ; vous l’avez oubliée.

Je n’ai point oublié les anecdotes russes, et je tâcherai de vous en faire tirer un bon parti incessamment.

Ne croyez point vos Marseillais sur les Russes d’aujourd’hui ; ils craignent si fort de perdre leurs marchandises dans la Morée que le moindre petit avantage des Turcs leur paraît une bataille de Pharsale. Je vous réponds que Catherine fera repentir Moustapha de s’être mêlé de ce qui ne le regardait pas.

Il est bon qu’on traite Fréron de Turc à Maure ; mais c’est la honte de notre siècle de mettre un Fréron en état de payer le Journal des Savants et de faire des pensions aux gens de lettres. Quoi ! donner à un coquin le privilège de médire, pour payer des hommes qui écrivent sagement ! c’est là le comble de l’ignominie.

Est-ce que vous ne pourriez point savoir quel est l’auteur des Anecdotes ? M. Dorat m’a écrit que j’en étais accusé ; c’est une absurdité égale à l’infamie de Fréron.

Voulez-vous bien avoir la bonté, mon cher correspondant, de faire mettre à la poste ma lettre pour l’Angleterre, et de faire parvenir à M. Gaillard celle qui est pour lui ?

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.