Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7983

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 161-162).
7983. — À M. LE MARQUIS DE FLORIAN.
Le 3 auguste.

Mon cher grand écuyer de Cyrus, buvez à ma santé le jour de la noce[1], vous et Mme de Florian. L’homme du monde qui a le moins l’air d’un garçon de la noce, c’est moi. Si mon cœur décidait de ma conduite, j’assisterais au mariage. Ma chétive santé et mon âge ne me laissent prétendre à d’autre sacrement pour ma personne qu’à celui de l’extrême-onction. Je passe mes derniers jours à établir une colonie ; je ne jouirai pas du fruit de mes travaux : il est beaucoup plus aisé de marier un jeune conseiller du parlement que de loger et d’accorder une trentaine de familles. Cependant nous travaillons nuit et jour à présenter à la nouvelle mariée les fruits de notre nouvel établissement. Nous avons fait une montre assez jolie, et qui sera fort bonne. Nos artistes sont excellents : il n’y en a point de meilleurs à Paris ; mais leur transmigration ne leur a pas permis d’aller aussi vite en besogne que M. d’Hornoy. Il se marie le 7, et nous serons prêts le 15. Nous enverrons notre offrande, Mme Denis et moi, par M. d’Ogny, à qui nous l’adresserons. Nos fabricants ont voulu absolument mettre mon portrait à la montre. Puisque Pigalle m’a sculpté, il faut bien que je souffre qu’on me peigne ; j’ai toute honte bue.

J’embrasse tendrement le nouveau marié, sa mère, et son oncle[2] le Turc.

Je fais grand cas de votre philosophie, qui vous ramène à la campagne. J’aime à être encouragé, par votre exemple, à chérir la solitude et à fuir le tracas du monde.

On ne peut vous être plus tendrement dévoué que l’ermite de Ferney.

  1. De M. d’Hornoy, issu du premier mariage de Mme de Florian.
  2. L’abbé Mignot.