Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7971

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 150-151).
7971. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT[1].
Ferney, 23 juillet.

Il faut que notre chef de brigade nous croie de terribles buveurs ! car je ne soupçonne que lui de nous avoir envoyé encore du vin de Champagne. Il faut qu’il le vienne boire avec Mme Dixneufans, sans quoi ce vin ressemblerait aux anciennes libations qu’on faisait aux morts.

Le pauvre ermite est dans un état pitoyable, quoi qu’en dise Pigalle, devant qui il s’est forcé de paraître oublier tous ses maux. Non-seulement il ne peut plus boire, mais il ne peut presque plus manger. Il se met aux pieds de Mme Dixneufans. Il y a l’infini entre elle et lui.

Je finis par établir à Ferney une petite colonie d’émigrants de Genève et autres lieux ; M. le duc de Choiseul la protège de toutes ses forces. Nous faisons des montres excellentes. Paris les tire toutes de Genève, et nous les donnons à un grand tiers meilleur marché qu’à Paris. Quand vous en voudrez pour vos amis, adressez-vous à votre serviteur, avant qu’il rende son existence aux quatre éléments, supposé qu’il y ait quatre éléments. En attendant, il vous embrasse de tout son cœur, et se met aux pieds de Mme Dixneufans.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.