Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7919

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 47 (p. 106-107).
7919. — DE M. HENNIN[1].
À Genève, le 12 juin 1770.

Je garderai mes Grâces, et mes créanciers attendront. Je ne vous en suis pas moins obligé de la bonne volonté avec laquelle vous vous êtes porté à me rendre service à cette occasion.

Si l’assignation a été portée à Ferney par l’huissier des magnifiques seigneurs, c’est une chose contraire au droit public, et dont je vous assure que je parlerai si sèchement qu’on ne s’avisera pas d’y revenir. Si, dans une affaire que le sieur Dufour peut avoir à Genève, on l’a assigné à son ancien domicile, comme il n’a pas renoncé à son droit de cité, c’est à lui à s’expliquer vis-à-vis du magistrat. Je vous prie de m’éclaircir. J’ai besoin de renseignements sur ce point, pour les joindre à d’autres. Il est très-vrai que je n’ai pas à me louer de la manière dont on rend justice, à Genève, aux sujets du roi. J’en ai écrit à monsieur le duc, et je ne doute pas qu’il ne fasse sentir à ces messieurs son mécontentement. Mais, en matière civile, je n’ai vis-à-vis d’eux que la voie de la recommandation.

Ils ont jugé, avant-hier, de la manière la plus ridicule et la plus injuste, le fait d’un âne blessé par le postillon de Saint-Genis. J’ai été violemment tenté de leur en faire une avanie ; mais la plaisanterie n’est pas de notre ressort. Je vous recommanderais cette affaire, si elle pouvait vous amuser. Il y aurait une requête fort plaisante à faire sur ce jugement.

Ne croyez pas, au reste, monsieur, que je puisse faire pour les affaires particulières tout ce que je voudrais. Avant de s’avancer, il faut être sûr d’être soutenu, sans quoi on risque de faire plus de mal que de bien. Ceci n’est pas fait pour être traité par écrit. J’aurai l’honneur de vous en entretenir un de ces jours.

Ma sœur, qui a été incommodée et qui commence à se guérir, a été, monsieur, très-sensible à votre souvenir. Nous irons, dès qu’il nous sera possible, profiter de quelques-uns des moments que vous donnez au repos.

  1. Correspondance inédite de Voltaire avec P.-M. Hennin, 1825.