Correspondance de Voltaire/1770/Lettre 7757

Correspondance : année 1770GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 536).
7757. — À M. LEKAIN.
Ce 20 janvier.

L’oncle et la nièce, mon cher ami, sont aussi sensibles à votre souvenir qu’ils doivent l’être. Nous savons à peu près ce que c’est que la petite drôlerie dont vous nous parlez ; c’est une ancienne pièce qui n’est point du tout dans le goût d’à présent : elle fut faite par l’abbé de Châteauneuf, quelque temps après la mort de Mlle Ninon Lenclos. Je crois même qu’elle ne pourrait réussir qu’autant qu’elle est du vieux temps. Ce serait aujourd’hui une trop grande impertinence d’entreprendre de faire rire le public, qui ne veut, dit-on, que des comédies larmoyantes.

Je crois qu’il n’y a, dans Paris, que M. d’Argental qui ait une bonne copie du Dépositaire. Je sais, de gens très-instruits, que celle qu’on a lue à l’assemblée est non-seulement très-fautive, mais qu’elle est pleine de petits compliments aux dévots que la police ne souffrirait pas. L’exemplaire de M. d’Argental est, dit-on, purgé de toutes ces horreurs : au reste, si on la joue, on pourra très-bien s’arranger en votre faveur avec Thieriot ; mais il faut que le tout soit dans le plus profond secret, à ce que disent les parents de l’abbé de Châteauneuf, qui ont hérité de ses manuscrits. Quant aux Scythes, je m’en rapporte à votre zèle, à votre amitié, et à vos admirables talents. V.