Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7646

Correspondance de Voltaire/1769
Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 426).


7646. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
À Ferney, 30 auguste.

Je sais qu’il est beau d’être modeste, mais il ne faut pas être indifférent sur sa gloire. Je me flatte, monseigneur, que du moins cette petite édition que j’ai eu l’honneur de vous envoyer ne vous aura pas déplu. Elle devrait vous rebuter, s’il y avait de la flatterie ; mais il n’y a que de la vérité. Je ne vois pas pourquoi ceux, qui rendent service à la patrie n’en seraient pas payés de leur vivant. Salomon dit que les morts ne jouissent de rien, et il faut jouir.

J’ai eu l’honneur de vous parler de l’opéra de M. de La Borde. Permettez-moi de vous présenter une autre requête sur une chose beaucoup plus aisée que l’arrangement d’un opéra : c’est d’ordonner les Scythes pour Fontainebleau au lieu de Mérope, ou les Scythes après Mérope, comme il vous plaira ; vous me ferez le plus grand plaisir du monde. J’ai des raisons essentielles pour vous faire cette prière. Je vous demande en grâce de faire mettre les Scythes sur la liste de vos faveurs pour Fontainebleau. Mes soixante-seize ans et mes maladies ne m’empêchent pas, comme vous voyez, de penser encore un peu aux bagatelles de ce monde. Pardonnez-les-moi en faveur de ma grande passion, c’est celle de vous faire encore une fois ma cour avant de mourir, et de vous renouveler mon très-tendre et profond respect.