Correspondance de Voltaire/1769/Lettre 7606

Correspondance : année 1769GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 391-392).
7606. — À M. DE CHENEVIÈRES[1].
23 juillet.

C’est belle malice à vous, mon cher ami, d’être malade sous les yeux de M. de Sénac. C’est crier famine près d’un tas de blé. Cependant, il faut avouer que, quand on serait l’ami intime de toute la faculté, on n’en serait pas moins exposé à toutes les infirmités dont la nature a doté la race humaine ; j’en sais des nouvelles. J’ai vécu longtemps, mais toujours pour souffrir. Je n’existe aujourd’hui que pour être calomnié ; on m’impute je ne sais quelle Histoire du Parlement, dont les derniers chapitres sont un chef-d’œuvre d’erreurs, d’impertinences et de solécismes. Dieu soit béni ! Voilà le centième ouvrage qu’on m’attribue depuis trois ans. Quand je dicterais jour et nuit, comme Esdras, sans fermer la bouche, je n’aurais pu y suffire.

Je vous écris à Versailles ; je ne vous crois pas à Compiègne, attendu qu’on ne tuera personne au camp, et que les hôpitaux militaires n’auront rien à faire.

J’habite un petit pays autrefois très-inconnu, où l’on n’était malade que des écrouelles ; on y a envoyé des troupes, et avec elles la v…… Je remercie les bureaux de la guerre de cette attention.

Bonsoir, mon cher ami ; on dit que vous aurez une très-belle salle de spectacle à Versailles, et qu’on se prépare déjà pour les fêtes du mariage de M. le dauphin. Vous allez être plongé jusqu’au col dans les plaisirs.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.