Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7383
Mon cher président, vous ne recevrez que dans quelque temps un petit hommage que je vous dois. C’est la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, avec le Précis de celui de Louis XV. J’allais le faire porter aux voitures qui partent quelquefois de mon voisinage pour Lyon et Dijon ; le paquet était fait, lorsqu’on m’avertit qu’un petit ballot, déjà porté aux mêmes voitures pour monsieur le premier président du parlement et M. Le Gouz, irait de Lyon à Paris. J’en donnai sur-le-champ avis à M. Le Gouz ; mais on m’avait trompé. Les paquets iront en droiture. Le vôtre arrivera donc, quoique un peu tard ; notre commerce du pays de Gex n’est pas encore trop bien établi. Je suis toujours bien tenté de venir vous embrasser à Dijon ; mais j’ai bien peur que ma santé languissante ne me laisse que des désirs inutiles.
M. Le Gouz a obtenu, comme vous savez, du président de Brosses la moitié de ce qu’on désirait[2]. Il eût mieux fait de se désister entièrement qu’en partie. Il faut espérer qu’on l’engagera peu à peu à en agir généreusement. L’opiniâtreté qu’il met à soutenir une clause que tous ses amis et tous ses parents trouvent injuste et inadmissible suffirait seule pour m’empêcher d’aller à Dijon, où j’aurais le malheur de trouver un homme dont ma famille et moi nous avons tant de sujets de nous plaindre.
Il ne me reste, dans le triste état où je suis, que de vous renouveler, mon très-cher et très-généreux président, les tendres et respectueux sentiments que je conserverai pour vous tant que je vivrai.
- ↑ Éditeur, Th. Foisset.
- ↑ Le président de Brosses se départit de la clause qui lui donnait les meubles mis par Voltaire à Tournay. Mais il refusa de renoncera son droit sur les effets d’agriculture et sur les bestiaux, objets qui venaient de lui, et qui devaient lui faire retour en toute équité. (Th. F.)