Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7358

Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 138-139).
7358. — À M. LE MARQUIS DE BELESTAT,
de l’académie de toulouse[1].
Du château de Ferney, le 15 octobre.

Monsieur, il y a longtemps que je vous dois des remerciements de vos bontés et de l’Éloge de Clémence Isaure ; mais ma vieillesse est si infirme, et j’ai été pendant deux mois si cruellement malade, que je n’ai pu remplir aucun de mes devoirs. Un des plus chers et des plus pressés était de vous témoigner l’estime que vous m’avez inspirée. L’Académie devrait mettre votre éloge à la fin de celui que vous avez publié de sa fondatrice. Votre style et votre façon de penser sur la littérature m’ont également charmé. Si je me comptais encore au nombre des vivants, je désirerais passionnément vivre l’ami d’un homme de votre mérite[2].

Vous n’ignorez pas sans doute, monsieur, qu’on vend publiquement, sous votre nom, à Genève et dans tous les pays voisins, un Examen de l’Histoire d’Henri IV[3], du sieur Bury. L’examen est assurément beaucoup plus lu que l’histoire. Oserais-je vous mander dans quelle source est puisée l’anecdote singulière qu’on trouve à la page 31, que « les états de Bois dressèrent une instruction, par laquelle il est dit que les cours de parlements sont des états généraux au petit pied » ? Cette anecdote est si importante pour l’histoire, que vous me pardonnerez sans doute la liberté que je prends.

Si vous n’êtes pas l’auteur de cet examen imprimé sous votre nom, souffrez que je vous supplie de me dire à qui je dois m’adresser pour être instruit d’un fait si unique et si peu connu.

J’ai l’honneur d’être, avec autant de respect que d’estime, votre, etc. V

  1. Le marquis de Gardouch-Belestat, né en 1725, avait connu Voltaire aux eaux de Plombières en 1745. Il était entièrement aveugle et presque entièrement sourd avant la Révolution ; ce qui n’empêcha pas de le traîner en prison pendant la Terreur. Il n’est mort qu’en 1807.
  2. Ce premier paragraphe a été publié pour la première fois par MM. de Cayrol et François
  3. Dont il est parlé dans les lettre 7286, 7331, 7339.