Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7353

Correspondance : année 1768GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 46 (p. 134-135).
7353. — DE M. HENNIN.
Mardi, 3 octobre

J’avais dit, monsieur, à votre commissionnaire, qui me trouva sur le pont de Saint-Gervais, que ce que vous proposiez était décidé, et serait comme il vous plaisait. Nous nous rendrons demain à votre invitation à l’heure indiquée.

M. le baron de Swieten, ci-devant résident de l’empereur à Varsovie, a cru s’apercevoir que, dans tout ce que vous avez écrit ici, il n’est fait nulle mention de lui ; il en a conclu qu’à vos yeux les iniquités des pères retombaient sur les enfants. Je n’ai vu ce procédé autorisé dans aucun de vos ouvrages, et me suis souvenu d’ailleurs que depuis peu vous aviez donné dans la personne de M. le duc de S…-M…[1] une preuve de votre façon de penser sur les branches qui ne tiennent de leur tronc que le nom. Mon baron ne veut pas absolument s’exposer à vous déplaire, et exige que nous le laissions seul. Tirez-moi d’embarras, je vous prie, en me disant de vous l’amener. Il est très-digne de vous être présenté.

On m’a nommé le nouveau contrôleur général, M. d’Invault, ci-devant intendant d’Amiens. Je ne le connais pas plus que M. Menon, qui est peut-être le même[2], pas plus que M. de Laverdy. Je souhaite que ce soit un homme clair, et qui débrouille les fusées de ses prédécesseurs.

Les choses curieuses sont bonnes à voir, mais j’aimerais encore mieux les choses utiles : et qui est-ce qui se chargera de les mettre à la place de nos folies françaises ou italiennes ? Ni vous, ni moi, monsieur, ne verrons cela, ni malheureusement, je crois, ceux qui viendront après nous. Le monde ne fera jamais que changer de lisières.

  1. Saint-Mégrin, à qui est adressée la lettre 7381.
  2. Étienne Maynon d’Invault, nommé contrôleur général des finances le 27 septembre 1768, se retira en décembre 1769, et eut pour successeur l’abbé Terray.