Correspondance de Voltaire/1768/Lettre 7248
Plût à Dieu, mon cher ami, que je fusse en état d’aller vers le pôle arctique dans ma soixante-quinzième année ! je ne ferais pas assurément le voyage, mais je ne serais pas fâché d’être en état de le faire. Vous verrez peut-être bientôt un petit poëme intitulé la Guerre de Genève, dans laquelle il est dit que la renommée porte trois cornets à bouquin[1] : l’un pour le vrai, que personne n’entend ; l’autre pour l’incertain ; et le troisième pour le faux, que tout le monde répète ..........
J’apprends que M. de Klinglin s’est retiré ; je vous prie de lui présenter mes respects ; je lui souhaite, ainsi qu’à Mme de Klinglin, la vie la plus longue et la plus heureuse.
J’ai toujours avec moi votre ancien camarade Adam. Mme Denis est allée à Paris pour des affaires qui l’y retiendront probablement un an ou deux. L’agriculture et les lettres partagent ma vie : j’ai auprès de moi un avocat philosophe[2] ; ils le sont presque tous aujourd’hui. Il s’est fait une furieuse révolution dans les esprits depuis une quinzaine d’années ; les prêtres obéiront à la fin aux lois comme les chétifs seigneurs de paroisse ; je me flatte que mons de Porentru n’est pas despotique dans la haute Alsace.
Adieu, mon cher ami, je vous embrasse bien tendrement. V.