Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 7034

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 393-394).
7034. — À M. DAMILAVILLE.
2 octobre.

Fondez donc cette maudite glande, mon cher et digne ami. Que l’exemple de M. Dubois vous rende bien attentif et bien vigilant : vous n’avez pas, comme lui, cent mille écus de rente à perdre ; mais vous avez à conserver cette âme philosophique et vertueuse, si nécessaire dans un temps où le fanatisme ose combattre encore la raison et la probité. Vous êtes dans la force de l’âge ; vous serez utile aux gens de bien qui pensent comme il faut, et moi, je ne suis plus bon à rien. Je suis actuellement obligé de me coucher à sept heures du soir. Je ne peux plus travailler.

Que Merlin ne fourre pas mon nom à la bagatelle que je lui ai donnée. Si par hasard son édition a quelque succès dans ce siècle ridicule, je lui prépare un petit morceau[1] sur Henri IV, qu’il pourra mettre à la tête de la seconde édition, et je vous réponds que vous y retrouverez vos sentiments. Je finis ma carrière littéraire par ce grand homme, comme je l’ai commencée, et je finis comme lui. Je suis assassiné par des gueux ; Coger est mon Ravaillac.

Adieu, mon cher ami ; je suis trop malade pour dicter longtemps ; mais ne jugez point de mes sentiments par la brièveté de mes lettres.

Faudra-t-il que je meure sans vous revoir ?

  1. Ce morceau m’est inconnu. (B.) — Voltaire en reparle dans la lettre 7047.