Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6946
Monseigneur, je suis trop respectueusement attaché à votre auguste nom, et à la personne de Votre Altesse sérénissime, pour ne pas lui donner avis que La Beaumelle, retiré à présent au pays de Foix, dans la petite ville de Mazères, fait réimprimer à Avignon le livre abominable[2] dans lequel ce calomniateur ose accuser monseigneur le duc, votre père, d’avoir fait assassiner le sieur Vergier[3], ancien commissaire de marine. Cette horreur, jointe à tant d’autres, doit certainement être réprimée. L’audace criminelle de ce misérable donne du cours à ses livres, surtout dans les pays étrangers. Je suis persuadé que si Votre Altesse sérénissime daigne dire ou faire dire un mot à M. de Saint-Florentin, on préviendra aisément cette nouvelle édition. Vous verrez, monseigneur, dans le Mémoire ci-joint, la page où ce coquin ose ainsi vous outrager. Vous y verrez ses autres crimes. Jamais l’abus de l’imprimerie n’a rien produit de si coupable. Les sentiments que la France a pour votre personne autorisent la liberté que je prends.
Je suis avec un profond respect, etc.