Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6935

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 311).
6935. — À M. BORDES.
10 juillet.

Mon cher confrère en académie, et mon frère en philosophie, mille grâces vous soient rendues de toutes les peines que vous daignez prendre[1] ! Je n’aime pas les h aspirés, cela fait mal a la poitrine ; je suis pour l’euphonie. On disait autrefois : je hésite, et à présent on dit j’hésite ; on est fou d’Henri IV et non plus de Henri IV. On achète du linge d’Hollande, et non plus de Hollande. Ce qu’on n’adoucira jamais, c’est la canaille de la littérature. Vous en voyez une belle preuve dans ce maraud de La Beaumelle qui m’a adressé la plupart de ses lettres anonymes par Lyon[2], où il faut qu’il ait quelque correspondant. La dernière était datée de Beaujeu, auprès de Lyon. Je crois que ni les ministres, ni monsieur le chancelier, ni la maison de Noailles, ni même la maison royale, ne seront contents de ce La Beaumelle En vérité, ceci est plutôt un procès criminel qu’une querelle littéraire. Ce n’est pas le cas de garder le silence. On doit mépriser les critiques, mais il faut confondre les calomniateurs.

On doit encore plus vous aimer.

Voici une petite brochure[3] en réponse à une grosse brochure. S’il y a quelque chose de plaisant, amusez-vous-en ; passez ce qui vous ennuiera. Faites-moi votre bibliothécaire, je vous enverrai tout ce que je pourrai faire venir des pays étrangers. Bientôt nous ne pourrons plus avoir de France que des almanachs, ou des fréronades, ou du Journal chrétien. Si je suis votre bibliothécaire, soyez, je vous prie, mon Aristarque.

Je recommande la Scythie à vos bontés.

  1. Pour l’édition des Scythes faite à Lyon.
  2. Voyez tome XXVI, page 191.
  3. Défense de mon oncle ; voyez tome XXVI, page 367.