Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6900

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 279-280).
6900. — À M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Mai.

Je vous supplie, monseigneur, de lire attentivement ce mémoire [1]. Vous savez que j’ai rendu quelques services aux protestants. J’ignore s’ils les ont mérités ; mais vous m’avouerez que La Beaumelle est un ingrat.

Je soumets ce mémoire à vos lumières, et la vérité à votre protection. Vous serez indigné, quand vous verrez tant de calomnies et d’horreurs rassemblées, et ce que nous avons de plus auguste avili avec tant d’insolence. On n’oserait imaginer qu’un tel homme pût calomnier la cour impunément. Il est dans le pays de Foix, à Mazères. Peut-être un mot de vous pourrait le faire rentrer en lui-même.

Galien attend toujours la décision de son sort. Il a un frère, âgé de quatorze ans tout au plus, qui a été au Canada, à Alger, à Maroc, en qualité de mousse. Il est de retour, et est venu voir son frère ici : il y a resté sept ou huit jours ; et ensuite, avec une petite pacotille, il est retourné en Dauphiné chez ses parents, où l’aîné l’aurait bien voulu suivre, à ce qu’il m’a paru, pour peu de temps.

Peut-être ne savez-vous pas que j’ai donné la terre de Ferney à Mme Denis, et que je ne me suis réservé que la douceur de finir dans mon obscurité une vie mêlée de bien des chagrins, comme l’est la carrière de presque tous les hommes. Ce n’est qu’avec cette triste vie que finira le tendre et respectueux attachement que je vous ai voué jusqu’à mon dernier moment.

Je vous supplie instamment de me conserver vos bontés ; elles me sont nécessaires, par le prix que mon cœur y met ; elles sont la plus chère consolation du plus ancien serviteur que vous ayez.

  1. Donné tome XXVI, page 355.