Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6850

6850. — À M. LE COMTE DE ROCHEFORT.
20 avril.

J’ai reçu votre lettre du 9 d’avril, mon très-aimable et preux chevalier (puisque vous ne voulez pas que je vous appelle monsieur). Je vous avais écrit, huit ou dix jours auparavant, par M. Chenevières. Je n’ai reçu aucun des paquets dont vous me parlez. Toutes les choses de ce monde n’atteignent pas à leur but. Il faut se consoler ; la patience est une vertu nécessaire.

Je vous fais mon compliment sur votre mariage ; faites-nous beaucoup d’enfants qui pensent comme vous : vous ne sauriez rendre un plus grand service à la société. Je vous écris à Châlons-sur-Marne. J’aimerais mieux que ce fut à Châlon-sur-Saône, j’aurais le bonheur d’être moins éloigné de vous. Je ne puis rien vous mander. Je suis dans la solitude et dans les neiges, bloqué par vos troupes, et malade. Quand vous serez à la source des plaisirs et des nouvelles, n’oubliez pas les solitaires dont vous avez fait la conquête.