Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6795

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 166-167).
6795. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
16 mars.

Mes anges et M. de Thibouville verront ci-contre ma réponse à leurs lettres du 7 et du 9 mars : ma réponse est docilité et amendement. Quand je sens la raison, je la suis ; quand je peux corriger, je corrige. Gardez-vous bien de mettre

L’accompagne aux combats, et doit venger sa mort.

(Acte II, scène d’Indatire et d’Obéide.)

Il ne s’agit point ici de ce que les femmes scythes doivent faire, mais de ce qu’elles savent faire : cela est fort différent. Votre doit venger sa mort montrerait la corde ; il serait impertinent qu’au cinquième acte Obéide dît : Moi, je dois vous venger ! Vous gâteriez tout par ce léger changement.

J’ignore l’état de madame la dauphine. Je n’ai pas voulu qu’on jouât publiquement la pièce chez moi, quand les spectacles sont fermés à Paris ; je ne la laisserai jouer que quand ils seront rouverts : je n’ai pas de peine à observer cette bienséance.

On me mande que Molé ne sera pas en état de jouer a Paris. Je ne crois pas qu’il faille donner son rôle au singe de Nicolet[2]. Vous ferez tout comme il vous plaira, mes anges ; mais que Mlle Durancy justifie la préférence que je lui ai donnée, préférence qui m’attire plus de tracasseries qu’il n’y a de mauvais vers dans les pièces que les Welches applaudissent. Moquez-vous des tracasseries, mes anges, et écrasez le mauvais goût.

Ayez la charité d’envoyer à l’ami Lekain les corrections ci-contre.

Respect et tendresse.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. « Quel est ce gentil animal ? » dit Boufflers dans sa chanson :

    Quel est ce gentil animal,
    Qui dans les jours de carnaval
    Tourne à Paris toutes les têtes,
    Et pour qui l’on donne des fêtes ?
    Ce ne peut être que Molet
    Ou le singe de Nicolet.