Correspondance de Voltaire/1767/Lettre 6754

Correspondance : année 1767GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 45 (p. 119-120).
6754. — À M. DAMILAVILLE.
16 février.

L’article de votre lettre du 10, concernant un intendant, m’étonne autant qu’il m’afflige. Je crois qu’il sera bon, dans l’occasion, de lui faire parler fortement en votre faveur, sans paraître instruit de ce que vous me mandez. Il m’était venu voir à Ferney, et j’en avais été très-content. Je me flatte encore qu’il ne sera pas difficile de le ramener.

Je ne connais point M. Cassen[1] ; j’étais fort content de M. Mariette, et je vous prie instamment de le lui dire ; mais il faut laisser faire M. de Beaumont, et ne le pas décourager. Il est actif, sa gloire est intéressée au succès ; il est ami de M. Cassen ; il fait encore travailler M. Target, qui est, dit-on, un excellent avocat, et qui doit donner un factum en faveur des filles de Sirven.

Je vous demande deux grâces, mon cher ami : c’est de voir Mariette pour le consoler, et Target et Cassen pour les remercier. J’ai très-bonne opinion du procès. Je suis persuadé que les maîtres des requêtes mettront ce dernier fleuron à leur couronne civique. M. de Beaumont croit m’apprendre qu’il a obtenu pour rapporteur M. Chardon ; et il y a près d’un mois que M. Chardon m’a mandé qu’il était rapporteur. Il paraît prendre l’affaire des Sirven à cœur autant que nous-mêmes. Il m’a fait l’honneur de m’envoyer un mémoire[2] sur l’île de Sainte-Lucie, dont il a été intendant : ce mémoire m’a paru un chef-d’œuvre. J’ai été d’autant plus touché de cette marque de confiance qu’elle me fait espérer qu’il aura quelque envie de s’attirer, dans l’affaire des Sirven, les applaudissements des âmes qui sont sensibles au mérite.

Nous avons reçu, maman Denis et moi, le Bèlisaire. Nous nous sommes jetés par un heureux instinct sur le chapitre de la tolérance, qui est le quinzième chapitre ; il nous a enlevés. Si tout le reste est de cette force, l’ouvrage aura le succès le plus durable. Vous me ferez plaisir d’acheter pour moi un exemplaire de mes sottises chez Merlin, de le faire relier, et de le faire présenter de ma part à M. Marmontel. Voici un petit mot pour lui[3], et l’autre pour M. de Beaumont[4]. Pardon, mon très-cher ami, de toutes les peines que je vous donne.

  1. Pierre Cassen, avocat au conseil du roi, est mort à Paris le 23 décembre 1767, âgé de quarante ans. C’est sous son nom que Voltaire fit, en 1768, imprimer sa Relation de la mort de La Barre ; voyez tome XXV, page 503.
  2. Voyez lettre 6712.
  3. Lettre 6752.
  4. Lettre 6753.