Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6639

Correspondance de Voltaire/1766
Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 562-563).

6639. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
29 décembre, à midi.

Je vous ai déjà écrit ce matin, mon cher ange, à vous seul comme toutes les précédentes.

Il n’est plus question de faveur : ce nouveau mémoire que j’envoie à monsieur le vice-chancelier, et dont voici la copie, doit convaincre que nous ne demandons que la plus exacte justice.

Si on saisit l’équipage de Mme Denis, si on lui fait racheter son carrosse et ses chevaux pour avoir introduit dans le royaume des livres abominables, elle est déshonorée dans la province et ne peut plus y rester. Il serait horrible qu’un commis de bureau fût récompensé pour avoir prévariqué, et qu’une femme qui mérite de la considération fût flétrie ; il ne lui resterait que d’aller m’enterrer dans les pays étrangers ; mais avant ma mort, j’aurai la funeste consolation de rendre les persécuteurs exécrables.

Il ne s’agit au bout du compte que de colportage, et ni Mme Denis, ni moi, ne pouvons être des colporteurs. Je sais bien qu’en France, sur un simple soupçon souvent absurde, on peut perdre un honnête homme qui mérite des ménagements. Encore une fois, mon cher ange, voici le mémoire sur lequel il faut insister.

Mais le point préalable, le point nécessaire, c’est de faire chasser sans délai le nommé Janin, contrôleur du bureau de Sacconex, près de Genève, et de s’adresser pour cela à M. de Courteilles ou à qui vous jugerez à propos ; c’est ce que je vous dis dans une autre lettre du 29, sous le couvert de M. le duc de Praslin.

Pardon de tant de lettres, mais on ne peut s’expliquer qu’avec des paroles.

Comptez que ma douleur n’est pas le plus vif de mes sentiments.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.