Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6632

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 555-556).

6632. — À M. DE PEZAY.
À Ferney, 22 décembre.

L’amitié que vous me témoignâtes, monsieur, dans votre séjour à Ferney, et les sentiments que vous m’inspirâtes, me mettent en droit de me plaindre à vous de M. Dorat[1]. Il m’a confondu d’une manière bien désagréable avec Jean-Jacques, et il a trop oublié que l’ingratitude de ce malheureux envers M. Hume, son bienfaiteur, et son infâme conduite envers moi, sont des choses très-essentielles qui blessent la société, et dans lesquelles le seul agresseur a tort. Ce n’est pas là un objet de plaisanterie. Ce malheureux m’a calomnié pendant un an auprès de M. le prince de Conti et de Mme la duchesse de Luxembourg. Il a eu la basse hypocrisie de signer entre les mains d’un cuistre, à Neuchâtel, qu’il écrirait contre M. Helvétius[2], l’un de ses bienfaiteurs, et il accusait M. Helvétius d’un matérialisme grossier. Il m’a de même accuse presque juridiquement ; il a insulté tous ceux qui l’ont nourri.

Encore une fois, monsieur, il n’est point question ici de ses mauvais livres et des querelles de littérature ; il s’agit des procédés les plus lâches et les plus coupables. M. le duc de Choiseul, et tous les ministres, savent assez quelle est la conduite punissable de cet homme. C’est tout ce que je puis vous dire, et je vous prie de le dire à M. Dorat, dont vous savez que je n’ai jamais parlé qu’avec la plus grande estime.

J’ai l’honneur d’être, etc.

  1. Il venait de paraître un Avis aux sages du siècle, MM. de Voltaire et Rousseau, in-8o de 8 pages, commençant ainsi :

    Sages fameux, qu’allez-vous faire ?


    et se terminant par :

    Soyez toujours nos bienfaiteurs,
    Et, plus dignes de nos hommages,
    Achevez enfin par vos mœurs
    Ce qu’ont ébauché vos ouvrages.

    L’auteur de l’Avis aux sages est Dorat.

  2. Voyez les explications données page 53.