Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6619

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 541-542).

6619. — À M. THIERIOT.
19 décembre.

Je crois, mon ancien ami, que votre correspondant[1] aura été fort réjoui de l’épitaphe de la cruche étrusque[2]. Il est juste que je vous fournisse aussi de quoi amuser votre homme. Je vous envoie d’abord du sérieux, et ensuite vous aurez du comique.

M. Damilaville doit vous communiquer une scène d’une tragédie[3] que j’ai eu la sottise de faire malgré le précepte d’Horace, ""solve senescentem[4]. J’étais las de voir toujours des princes avec des princesses, et de n’entendre parler que de trônes et de politique. J’ai cru qu’on pouvait donner plus d’étendue au tableau de la nature, et qu’avec un peu d’art on pouvait mettre sur le théâtre les plus viles conditions avec les plus élevées : c’est un champ très-fécond que de plus habiles que moi défricheront. Je me suis sans doute rencontré avec l’auteur de Guillaume Tell[5]. Mandez-moi ce que vous en pensez, et aimez toujours votre ancien ami.

  1. Le roi de Prusse.
  2. Diderot avait fait pour le comte de Caylus, mort en 1765, cette épitaphe :

    <poem>Ci-gît un antiquaire acariâtre et brusque, Ô qu’il est bien logé dans cette cruche étrusque ! </poem/>

  3. Les Scythes.
  4. Livre I, épitre i, vers 8.
  5. Tragédie de Le Mierre.