Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6577

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 502).

6577. — À M. CHARDON.
À Ferney, 19 novembre.

Monsieur, ce n’est pas ma faute si je vous importune ; prenez-vous-en à la réputation que vous avez d’être le juge le plus intègre et le rapporteur le plus éloquent. M. et Mme de Beaumont se croient trop heureux si leur fortune dépend de vous. Les Sirven vous demandent la vie ; et moi, monsieur, j’ose vous la demander pour eux, moi qui suis témoin, depuis trois années, de leur innocence, de leurs larmes, et de l’horrible injustice qu’ils essuyèrent lorsque le même fanatisme qui fit périr Calas sur la roue condamna Sirven et sa femme à la corde, sur la même accusation de parricide, que la superstition impute si légèrement, et que la nature désavoue.

M. le duc de Choiseul, qui pense sur vous, monsieur, comme tout le public, et qui est votre ami, a eu la bonté de me mander qu’il prierait monsieur le vice-chancelier de vous nommer rapporteur dans l’affaire des Sirven. Vous êtes déjà instruit de cette horrible aventure ; je ne vous demande que la plus exacte justice. La malheureuse destinée de cette famille, qui l’a conduite dans mes déserts, deviendra un bonheur pour elle si vous daignez rapporter sa cause. C’en est un pour moi que cette occasion de vous assurer de l’estime infinie et du respect, etc.