Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6490

6490. — DE FRÉDÉRIC,
landgrave de hesse-cassel.
Weissenstein, le 9 septembre.

Monsieur, j’ai reçu votre lettre[1] avec bien du plaisir. J’ai quitté Ferney avec bien du chagrin, et j’aurais volontiers voulu profiter plus longtemps de la douce satisfaction de m’entretenir avec un ami dont je fais tout le cas possible, et qu’il mérite. Je suis charmé que vous soyez content de ma façon de penser. Je tâche, autant qu’il m’est possible, de me défaire des préjugés ; et si en cela je pense différemment du vulgaire, c’est aux entretiens que j’ai eus avec vous, et à vos ouvrages, que j’en ai l’unique obligation. Que je serais au comble de la satisfaction si je pouvais me flatter de vous voir ici ! J’aurais soin que vous y trouviez toutes les aisances possibles, et moi et toute ma cour serions charmés d’aller au-devant de tout ce qui pourrait vous être agréable. Ne me refusez donc point, monsieur, si cela est possible, ce plaisir.

Je n’aime point Calvin ; il était intolérant, et le pauvre Servet en a été la victime : aussi n’en parle-t-on plus à Genève, comme s’il n’avait jamais existé. Pour Luther, quoiqu’il ne fût pas doué d’un grand esprit (comme on le voit dans ses écrits), il n’était point persécuteur, et il n’aimait que le vin et les femmes.

Notre foire a été des plus brillantes, et vos deux tragédies de Brutus et d’Olympie, que j’ai fait représenter avec toute la pompe nécessaire, lui ont donné le plus grand lustre.

Continuez-moi toujours votre amitié, et soyez bien persuadé des sentiments d’estime, d’amitié et de considération que j’ai pour vous, et qui ne finiront qu’avec la vie.


Fédéric.

  1. C’est le n° 6473.