Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6370

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 312-313).

6370. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
21 juin.

M. Noursier[2] me mande, mon respectable philosophe, qu’il vous a dépêché par la voie de Lyon et de Limoges un petit paquet de raretés du pays. Je vous en donne avis, quoiqu’il soit vraisemblable que vous recevrez le paquet avant ma lettre. Les paquets vont en droiture, et les lettres passent par Paris, ce qui fait cent lieues de plus, et opère un retardement considérable, sujet à beaucoup d’inconvénients.

M. Boursier m’assure qu’il aura toujours soin de vous faire parvenir toutes les choses que vous paraissez désirer ; il vous est tendrement attaché. Il est vrai qu’on peut lui reprocher un peu de paresse ; mais on doit l’excuser : il traîne une vie fort languissante et est très-rarement en état d’écrire.

Je reçois dans ce moment une de vos lettres, par laquelle vous me mandez que princes et princesses peuvent passer dans nos déserts. Ces déserts sont bien indignes d’eux ; il n’y a plus de théâtre : les ailes qu’on bâtit ne sont pas encore achevées ; le prieur du couvent est malade, la prieure aussi ; ils seraient désespérés tous deux de ne pouvoir recevoir de tels hôtes d’une manière qui pût leur plaire. Le voisinage est très-triste. Cependant, si les dieux s’avisaient de descendre dans ces hameaux, ils trouveraient encore des Baucis et des Philémons ; mais il vaudrait encore mieux recevoir des philosophes que des princesses.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pseudonyme de Voilaire.