Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6359
En réponse à votre lettre du 23 mai, mon cher frère, il me manque, pour compléter mon Lally, la réponse qu’il avait faite aux objections par lesquelles on réfuta son premier mémoire. On dit que cette pièce est très-rare. Vous me feriez un grand plaisir de me la faire chercher et de me l’envoyer.
Je ne sais ce que c’est que la Lettre sur Jean-Jacques[1]. Je soupçonne qu’il s’agit d’une lettre que j’écrivis, il y a quelques mois, au conseil de Genève, par laquelle je lui signifiais qu’il aurait dû confondre la calomnie ridicule qui lui imputait d’avoir comploté avec moi la perte de Rousseau. Je disais au conseil que je n’étais point l’ami de cet homme, mais que je haïssais et méprisais trop les persécuteurs, pour souffrir tranquillement qu’on m’accusât d’avoir servi à persécuter un homme de lettres. Je tâcherai de retrouver une copie de cette verte romancine, et de vous l’envoyer. Je pense sur Rousseau comme sur les Juifs ; ce sont des fous, mais il ne faut pas les brûler.
Je recommande toujours à vos bontés les exemplaires pour M. Thomas, pour M. le chevalier de Neuville, à Angers, et pour Lacombe.
On me fait espérer un Fréret de Hollande : mais les livres viennent si tard de ce pays-là que j’ai recours à vous : la diligence de Lyon à Meyrin est très-expéditive.
Les jésuites sont enfin chassés de Lorraine. Je me flatte que les capucins, leurs anciens valets, seront bientôt rendus à la bêche et à la charrue, qu’ils avaient quittées très-mal à propos. Ils n’étaient connus que comme de vils débauchés ; mais puisque l’ordre séraphique se mêle d’assassiner[2], il est bon d’en purger la terre. Amen.
Je suis charmé que vous soyez content du petit buste : l’original est bien languissant : il y a trois mois qu’il n’a pu s’habiller.