Correspondance de Voltaire/1766/Lettre 6323

Correspondance : année 1766GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 272-273).

6323. — À M. DE CHABANON[1].
25 avril.

Bon voyage, mon cher confrère en Apollon, et bon succès dans votre entreprise ; plus j’y pense, plus je crois que j’entendrai de Ferney les applaudissements qu’on vous donnera à Paris[2]. Tuez l’impératrice, ou ne la tuez point ; conservez son bambin, ou jetez-le dans le Tibre ; c’est l’affaire d’une vingtaine de vers, et c’est une chose à mon sens fort arbitraire. Vous aurez sûrement intéressé pendant cinq actes, et c’est là le grand point. J’avoue que, si je ne consultais que mon goût, je ferais grâce à l’impératrice, et elle vivrait pour nourrir son petit. Ma raison est que, si elle a la perte de son enfant à pleurer, elle n’a plus de larmes pour Rome.

Allez à Paris ; vous y serez heureux, puisque madame votre sœur[3] y va. Tout Ferney s’intéresse bien vivement à vos progrès et à votre bonheur.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Pour son Eudoxie. Cette tragédie ne fut pas représentée.
  3. Chabanon était venu chez sa sœur, voisine de Voltaire.