Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 6149

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 44 (p. 103-104).

6149. — À MADAME LA MARQUISE DE FLORIAN.
Ferney, 8 novembre.

Vous croiriez peut-être, ma chère nièce, que je ne vous ai point écrit, et vous auriez tort avec toute l’apparence d’avoir raison, attendu qu’il y a depuis quelques jours[1] un gros paquet pour vous chez Mme  la duchesse d’Enville, qui a la bonté de s’en charger. Elle devait partir demain ; mais toutes les rivières sont débordées, toutes les montagnes sont éboulées, tous les carrosses sont noyés, et personne ne part. Il est même fort douteux que M. Tronchin aille à Paris cet hiver. Je vous mandais[2] que Mme  la comtesse d’Harcourt se faisait transporter dans un tiroir, mais il n’en est plus rien. On disait aussi dans votre grande ville qu’on avait envoyé un courrier à M. Tronchin, et qu’il allait à Fontainebleau ; il n’y a pas un mot de vrai. Il se pourrait bien aussi qu’il ne fût pas vrai que. M. de Castilhon, avocat général au parlement d’Aix, eût prononcé le discours qu’on débite sous son nom à Paris[3]. Le mieux qu’on puisse faire, en plus d’un genre, est d’attendre le Boiteux[4], et de ne rien croire du tout ; croyez cependant très-fermement que je vous aime de tout mon cœur, vous, le grand écuyer de Cyrus, et vos deux conseillers.

  1. Voltaire parle ici, non de la lettre 6148, mais de la lettre 6145, adressée à M. de Florian.
  2. Voyez la lettre 6145.
  3. L’extrait du discours de Castilhon est imprimé dans les Mémoires secrets (de Bachaumont) du 10 octobre 1765. Cet extrait fut désavoué lors de l’impression du discours par ordre du parlement de Provence. Malgré le désaveu, on s’obstinait à croire Caslilhon auteur des phrases mal sonnantes aux oreilles de quelques personnes.
  4. Le Temps, qui cloche. (Note de Decroix.)