Correspondance de Voltaire/1765/Lettre 5969

Correspondance : année 1765GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 512-513).
5969. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
À Ferney, 1er avril.

Mes divins anges, je m’adresse à vous quand il faut remplir mes devoirs, M. de Belloy m’a envoyé son drame. Vous avez permis que ma première lettre[1] passât par vos mains ; je demande la même grâce pour la seconde. Vous m’avouerez que le petit ex-jésuite[2] entendrait bien mal ses intérêts s’il avait de l’empressement.

J’ai eu l’honneur de vous envoyer trois feuilles d’un ouvrage qui m’est tombé entre les mains[3] ; mais, comme je n’ai reçu aucun ordre de vous, je n’ai pas continué les envois. Cet ouvrage pourtant m’a paru curieux, et digne de vous amuser quelques moments.

La pauvre veuve Calas n’a point encore reçu du roi de dédommagement pour la roue de son mari. Je ne sais pas au juste la valeur d’une roue ; mais je crois que cela doit être cher. Les uns lui conseillent de prendre les juges à partie, les autres non ; et moi, je ne lui conseille ni l’un ni l’autre : mon avis est qu’elle fasse pressentir monsieur le vice-chancelier et monsieur le contrôleur général, de peur de faire une démarche qui pourrait déplaire à la cour, et affaiblir la bonne volonté du roi.

Vous devez, mes divins anges, avoir reçu deux gros paquets, l’un par M. de Villars, capitaine aux gardes-suisses ; l’autre par M. de Châteauvieux, autre capitaine.

Les bagatelles qu’ils renferment sont pour vous et pour M. Damilaville. J’ai envoyé tout ce que j’avais, il n’y en a plus ; on en refait d’autres ; tout le monde devient honnête de jour en jour.

Je ne sais nulle nouvelle du tripot ni du tyran du tripot ; il a un fonds d’humeur où je ne conçois rien. Mes divins anges, prenez-moi sous votre protection dans ce saint temps de Pâques, et daignez me mander, je vous en conjure, si vous avez reçu les petites drôleries en question.

Toute ma petite famille se met au bout de vos ailes.

Mes divins anges, je n’entends plus parler des dîmes ; cela nous inquiète un peu, maman et moi.

  1. Celle du 6 mars, n° 5935.
  2. Auteur supposé du Triumvirat.
  3. Probablement les premières feuilles de la Philosophie de l’Histoire.