Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5741

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 299).

5741. — À M.  PALISSOT.
11 auguste.

Si Paul avait été toujours brouillé avec Pierre et Barnabé, dont il parla si cavalièrement[1], vous m’avouerez, monsieur, que notre sainte religion aurait couru grand risque. La philosophie se trouvera fort mal de la guerre civile. J’ai toujours souhaité, comme vous savez, que les gens qui pensent bien se réunissent contre les sots et les fripons. Je voudrais de tout mon cœur vous raccommoder avec certaines personnes ; mais je crois que je n’y parviendrai que quand j’aurai regagné les bonnes grâces de Fréron et des Pompignan.

N’est-ce pas Hobbes qui a dit que l’homme était né dans un état de guerre ? Je suis fâché que cet Hobbes ait raison. On m’a fait voir je ne sais quel poëme de l’abbé Trithème, intitulé la Pucelle ; il y a un chant[2] où tout le monde est fou ; chacun des acteurs donne et reçoit cent coups de poing. Voilà l’image de ce monde. Je conclus avec Candide qu’il faut cultiver son jardin. En voilà trop pour un pauvre malade.

  1. Saint Paul aux Galates, ii, 14.
  2. Le chant XVII.