Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5682

5682. — À M.  LE MARQUIS ALBERGATI CAPACELLI.
Aux Délices, 20 juin.

Par ma foi, monsieur, je crois que j’irai bientôt retrouver Francesco Algarotti[1]. Sa conversation était fort agréable : je m’entretiendrai de vous avec lui ; ce sera ma consolation ; mais je ne me ferai point dresser de monument de marbre, quoiqu’il y ait en Suisse d’assez beau marbre et un assez bon sculpteur. Je trouve que les mausolées ne doivent être érigés que par les héritiers. Je suis affligé de sa perte ; il avait du mérite, et c’était un des meilleurs infarinati que nous eussions, Notre Goldoni ne passera pas sitôt par notre petit ermitage ; il me paraît qu’il restera longtemps à Paris.

Je vois, monsieur, par votre lettre, que vous donnez les plus belles fêtes d’Italie. On peut faire ailleurs des courses de chevaux ; mais vous courez sur le cheval Pégase ; vous donnez des plaisirs à l’esprit, tandis que d’autres en donnent aux yeux. Mes yeux ne sont plus guère capables d’avoir du plaisir : mon âme a un plaisir bien sensible à être aimée de la vôtre. Agréez, monsieur, les assurances de mon respectueux attachement.

  1. Mort le 3 mars 1764.