Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5639

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 204-205).

5639. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL[1].
Aux Délices, 6 mai.

J’envoie à mes divins anges, comme je l’ai promis, les corrections qui me paraissent indispensables pour les roués. Il y avait au deuxième acte une contradiction manifeste. Octave disait dans les premiers vers de la première scène qu’il voulait marcher soudain contre Pompée, et à la fin de la même scène Antoine disait : Partons demain pour Rome.

D’ailleurs, la nouvelle leçon me paraît avoir plus de précision et de force.

Je soumets aussi à mes anges la copie d’un petit mémoire que j’envoie à M. Damilaville ; ils décideront si ce mémoire doit être communiqué aux libraires de Paris ou non.

Je prends aussi la liberté de mettre dans ce paquet une lettre pour M. Afforti. Ce n’est pas que je connaisse M. Afforti ; je ne sais qui il est ; mais on m’a dit qu’il est chargé par M. le duc de Praslin de rédiger le rapport de l’affaire des dîmes. Mes anges voudront-ils bien avoir la bonté de lui faire passer cette lettre de Mme Denis ? C’est à elle d’écrire, puisque les dîmes lui appartiennent et que je lui ai donné la terre de Ferney, et que c’est à elle à captiver la bienveillance dudit M. Afforti.

Je vais écrire à M. le maréchal de Richelieu, à Bordeaux, au sujet de l’inimitable acteur Bellecour[2]. Je me flatte qu’étant loin du tripot, il sera moins acharné contre le public et contre moi. J’enverrai ensuite au tripot une belle déclaration de ma façon, dans laquelle j’insisterai sur le droit de Grandval, et j’implorerai le bras séculier de M. le duc de Duras.

Si mes anges ont quelque autre chose à me commander, je suis à leurs ordres, et je me mets à l’ombre de leurs ailes avec respect et tendresse.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. Voyez la lettre à d’Argental du 10 avril.

    — Bellecour débuta en 1751, dans la tragédie, par le rôle d’Achille, où il réussit médiocrement. Mais il prit une éclatante revanche dans la comédie, et, ne pouvant lutter contre Lekain, il devint l’émule de Grandval. Il représentait l’impertinence des grands seigneurs, la fatuité des petits-maitres et la galanterie souvent avinée des marquis de la Régence avec une vérité et une aisance parfaites. Le Chevalier à la mode, le marquis de Turcaret, le Dissipateur, le comte Almaviva, étaient les rôles où triomphait surtout son talent comique, joint à un bel extérieur. (A. F.)