Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5623

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 190).

5623. — À M.  DAMILAVILLE.
23 avril.

Comptez, mon cher frère, que les vrais gens de lettres, les vrais philosophes, doivent regretter Mme  de Pompadour[1]. Elle pensait comme il faut ; personne ne le sait mieux que moi. On a fait, en vérité, une grande perte.

J’ai lu la Vie du chancelier de L’Hospital[2] ; c’est l’ouvrage d’un jeune homme, mais d’un jeune homme philosophe. Ce chancelier l’était, et je ne crois pas que notre d’Aguesseau doive lui être comparé. Il y a des discours de L’Hospital aux parlements dont ils ne seront pas trop contents. On ne parlerait pas aujourd’hui sur un pareil ton.

Il y a des fanatiques partout. Ceux qui ne savent pas distinguer les beautés de Corneille d’avec ses défauts ne méritent pas qu’on les éclaire ; et ceux qui sont de mauvaise foi ne méritent pas qu’on leur réponde. Si je suis obligé de dire un mot[3] ce ne sera qu’en faveur de la liberté de penser, et ce qui me paraît la vérité.

Je suis trop heureux, je vous le répète, que la philosophie et les lettres m’aient procuré un ami tel que vous.

  1. Elle était, morte le 15 avril.
  2. Vie de Michel de L’Hospital, chancelier de France (par Lévesque de Pouilly) ; Londres et Paris, 1764, in-12.
  3. Voyez tome XXV, page 223.