Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5605


5605. — À MADAME LA MARGRAVE DE BADE-DOURLACH.
À Ferney, 28 mars.

Madame, Votre Altesse sérénissime se doute bien que je porte une furieuse envie à celui qui aura l’honneur de vous rendre cette lettre, il jouira de l’avantage de voir une cour dans laquelle tout le monde voudrait vivre, et d’être admis auprès d’une princesse dont on voudrait être né sujet. C’est, madame, un citoyen de Genève, d’une des meilleures familles de cette répuplique ; il se nomme Mallet ; il a été longtemps à la cour de Danemark, où il est fort estimé ; j’ose dire qu’il est digne d’être présenté à Votre Altesse sérénissime : personne n’est plus sensible que lui au mérite supérieur ; enfin, madame, quoiqu’il ne soit qu’un voyageur, il deviendra votre sujet dès qu’il aura en le bonheur de vous voir et de vous entendre ; c’est le sort de tous ceux qui ont passé à Carlsruhe : cette noble retraite est devenue, grâce à Votre Altesse sérénissime, l’asile de la vertu et du bonheur. Que reste-t-il à tous ces rois qui ont ébranlé l’Europe par leurs guerres, que de revenir chacun dans leur Carlsruhe ? Vous êtes, madame, plus sage qu’eux tous, car vous êtes demeurée en paix chez vous, et ils sont forcés enfin de vous imiter.

Je suis, avec un profond respect, madame, de Vos Altesses sérénissimes, etc.