Correspondance de Voltaire/1764/Lettre 5569

Correspondance : année 1764GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 133-134).
5569. — À M. BERTRAND.
À Ferney, 21 février.

Mon cher philosophe, si j’avais eu du crédit j’aurais dit lapidibus istis ut aurum fiant[1]. Je vous en aurais au moins fait avoir le double ; mais les occasions sont si rares qu’il ne fallait pas manquer celle-là. Je n’ai d’autre cabinet que mes champs, mes prés, et mes bois : le soleil et le coin du feu me paraissent les plus belles expériences du monde.

J’ignore encore pourquoi ma bougie et mes bûches se changent en flammes, et pourquoi un épi en produit d’autres : c’est ce qui fait que je m’amuse à faire des Contes de ma mère l’oie. Ce n’est pas un conte que ma tendre amitié pour vous.

  1. Il y a dans Matthieu, iv, 3 : « Die ut lapides isti panes fiant. » Bertrand venait de vendre son cabinet de minéralogie à l’électeur palatin.