Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5453

Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 43 (p. 28-29).
5453. — À M.  LE COMTE D’ARGENTAL[1].
9 novembre.

Mes anges, en attendant la tragédie, voici la farce ; il faut toujours s’amuser, rien n’est si sain. Votre lettre du 3 octobre, qui veut dire 3 novembre, parle d’une méprise dont je suis étonné et fâché. Le billet qui était pour vous, avec le paquet pour mon frère Damilaville, ne devait pas être dans ce paquet, mais avec ce paquet ; et même ce paquet pour frère Damilaville ne devait point être cacheté. C’est apparemment cette méprise qui a fait croire que je voulais solliciter la représentation d’Olympie. C’est de quoi je suis très-éloigné, et je vous dirai très-modestement : L’Europe me suffit. Je ne me soucie guère du tripot de Paris, attendu que ce tripot est souvent conduit par l’envie, par la cabale, par le mauvais goût et par mille petits intérêts qui s’opposent toujours à l’intérêt commun.

Conduisez toujours, mes chers anges, votre conjuration[2] avec votre prudence ordinaire ; ce ne sera pas moi qui vous trahirai. Il faut être aussi ferme que je le suis, pour avoir résisté si constamment à M. de Chauvelin l’ambassadeur. Puisque j’ai eu cette force avec lui, je ne mollirai avec personne. Soyez les maîtres absolus, et puisse cette facétieuse conjuration vous donner quelque plaisir !

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.
  2. En faveur du Triumvirat.