Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5440


5440. — À M.  LE MARQUIS DE CHAUVELIN.
À Ferney, 18 octobre.

Je présume que Votre Excellence a déjà fait l’acquisition d’un nouvel enfant, que madame l’ambassadrice se porte à merveille, et que vous n’êtes occupé que de vos ouvrages, qui en vérité valent mieux que les miens.

Dès que vous aurez du loisir, j’enverrai donc à Votre Excellence ce qu’elle croit que je lui dois depuis le mois d’avril ; mais je vous avertis, monsieur, que ce n’est que de la prose[1] ; et voici de quoi il est question.

Lorsque la veuve Calas présenta sa requête au conseil, l’horreur que tout le monde témoigna contre le parlement de Toulouse fit croire à plusieurs personnes que c’était le temps d’écrire quelque chose d’approfondi et de raisonné sur la tolérance. Une boune âme se chargea de cette entreprise délicate, mais elle ne voulut point publier son écrit, de peur qu’on n’imaginât que l’esprit de parti avait tenu la plume, et que cette idée ne fît tort à la cause des Calas. Peut-être l’ouvrage n’est-il pas indigne d’être lu par un homme d’État. J’aurai l’honneur de vous le faire tenir dans quelques jours,

Il y a aussi une petite brochure qui sert de supplément à l’Histoire universelle[2]. Il y aurait de l’indiscrétion à vous l’envoyer par la poste, et je ne prendrai cette liberté que sur un ordre précis.

Voilà pour tout ce qui regarde le département de la prose. À regard du département des vers, je ne peux rien envoyer qu’en 1764 ; et si je meurs avant ce temps-là, vous serez couché sur mon testament pour un paquet de vers[3].

Je présente mes respects à madame l’ambassadrice, à monsieur votre fils aîné, et à monsieur son cadet.

  1. C’est le Traité de la Tolérance ; voyez tome XXV, page 13.
  2. Remarques pour servir de supplément à l’Essai sur l’Histoire générale, etc., 1763, in-8o ; voyez tome XXIV, page 543.
  3. Ce ne fut qu’en 1764 que Voltaire donna le volume intitulé Contes de Guillaume Vadé ; ces contes sont suivis de plusieurs morceaux en prose.