Correspondance de Voltaire/1763/Lettre 5226

Correspondance : année 1763GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 419-420).

5226. — À M. DEBRUS[1].

Mon cœur sent comme le vôtre, mais j’ai peur que mon esprit ne pense pas de même. Vous savez, mon cher monsieur, combien les parlements se ménagent les uns les autres. Voyez si, dans l’affaire du juif de Colmar, le conseil d’Alsace a reçu la moindre flétrissure. On me fait craindre que nous soyons renvoyés à Aix ou à Grenoble ; or vous savez qu’un parlement n’a aucune juridiction sur un autre : on lui donne le procès à revoir, mais on ne l’établit pas juge criminel d’un autre parlement. Je rêve tous les jours à la tournure qu’on pourrait donner à cette affaire. Je crois qu’il faudra hardiment prendre David à partie. Si l’on pouvait en faire autant au sieur Lasborde et compagnie, ce serait bien le mieux[2]. C’est sur quoi je vais écrire à M. Mariette et à mes amis. Je fais des tentatives de plus d’une espèce. En attendant, jouissons toujours de la victoire très-signalée remportée au conseil sur un de ces corps qui ont en France un si prodigieux crédit ! Jouissons d’une réhabilitation prononcée par toute l’Europe !

Quand je pourrai sortir j’irai chez vous, et je vous prierai d’y faire trouver M. de Moultou et M. de Végobre.

Je compte toujours d’écrire à M. de Végobre quand je vous écris, car je ne vous sépare point.

  1. Éditeur, À. Coquerel.
  2. David représente ici le premier tribunal devant lequel parurent les accusés, celui des capitouls, et Lasbordes, le second, le parlement.