Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 5041

Correspondance : année 1762GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 42 (p. 240-241).
5041. — À M. COLINI.
À Ferney, 20 septembre.

Si le désir extrême de revoir Schwetzingen pouvait recevoir d’autre motif que celui de faire ma cour à Leurs Altesses électorales, je sens que l’envie de voir votre beau théâtre pourrait entrer pour quelque chose dans mes idées. Votre bûcher, mon cher intendant du temple, est bien au-dessus de mon bûcher ; mais aussi je n’ai pas un théâtre aussi étendu que le vôtre. Il n’appartient pas au philosophe de Ferney d’avoir le théâtre d’un électeur. J’ai été obligé de me servir de coulisses, parce que la place me manquait. J’ai fait percer ces coulisses à jour ; les flammes qui s’élevaient derrière ces coulisses jetaient des étincelles à travers ces ouvertures : tout était enflammé ; mais ma petite invention n’approche pas de celle dont vous m’envoyez le plan. Présentez, je vous prie, à Son Altesse électorale mes remerciements et mon respect.

Je ne doute pas que vous n’ayez donné à l’actrice qui représente Olympie l’intelligence de son rôle. Elle doit en général dire Je vous hais avec la plus douloureuse tendresse[1] ; elle doit varier ses tons, être pénétrée. Tout doit être animé dans cette pièce, sans quoi la magnificence du spectacle ne servirait qu’à faire remarquer davantage la froideur des acteurs.

J’attends votre Précis de l’Histoire du palatinat du Rhin[2] ; et si je n’ai pas le bonheur de revoir ce beau pays, j’aurai la consolation de le voir dans votre ouvrage.

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur.

  1. Boileau (satire iii, 188) a dit de la Stratonice de Quinault :

    Et jusqu’à Je vous hais, tout s’y dit tendrement.

  2. Francfort et Leipzig, 1762, in-8o.