Correspondance de Voltaire/1762/Lettre 4800


4800. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
10 janvier.

Il faut que je fasse part à mes anges gardiens de ce qui m’arrive sur terre. Pourquoi M. Ménard, premier commis, m’écrit-il ? Pourquoi m’envoie-t-il une pancarte du roi ? Garde de mon trésor royal, payez comptant à V…… Bon, Louis. Il est vrai qu’il y a douze ans que j’avais une pension ; mais je l’avais oubliée, et je n’avais pas l’impudence de la demander : je la croyais anéantie. Que veut dire cette plaisanterie ? ne serait-ce pas un tour de nosseigneurs de Choiseul ? Je ne sais à qui m’en prendre ; mes anges, ne seriez-vous point dans la bouteille ?

Cependant renvoyez-moi donc Cassandre.

1° Il ne faut pas qu’il ait été complice de l’empoisonnement d’Alexandre.

2° S’il a donné un coup d’épée à la veuve, c’est dans la chaleur du combat ; et il en est encore plus contrit que ci-devant.

3° Il aime, et est encore plus aimé qu’il n’était, et il en parle davantage dès le premier acte.

4° Antigone a encore plus de raison qu’il n’en avait de soupçonner Olympie d’être la fille de sa mère.

5° Antigone traitait trop Cassandre en petit garçon, et cela rendait Cassandre bien moins intéressant.

6° Les lois touchant le mariage semblaient trop faites pour le besoin présent, et il faut les préparer de plus loin.

7° L’acte quatrième, finissant par Cassandre et non par Antigone, est bien plus touchant.

8° L’aspect de Cassandre augmentant les maux de nerfs de Statira rend sa mort bien plus vraisemblable.

9° Bien des gens croient que Statira, voyant que sa fille aime Cassandre, s’est aidée d’un peu de sublimé.

10° Des détails plus forts et plus tendres sont quelque chose.

Enfin on ne peut faire qu’en faisant.

Mais renvoyez-moi donc ma guenille, si vous voulez que je baise le bout de vos ailes.