Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4669

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 437).
4669. — À M. DE BURIGNY.
À Ferney, 12 septembre.

J’ai reçu fort tard le Bénigne Bossuet[1] dont vous m’avez honoré ; je vous en fais mon très-sincère remerciement le plus tôt que je peux. J’aime fort les Pères de l’Église, et surtout celui-là, parce qu’il est Bourguignon, et que j’ai à présent l’honneur de l’être ; de plus, il est très-éloquent. Ses Oraisons funèbres sont de belles déclamations. Je suis seulement fâché qu’il ait tant loué le chancelier Le Tellier, qui était un si grand fripon. Son Histoire particulière de trois ou quatre nations, qu’il appelle universelle, est d’un génie plein d’imagination. Il a fait ce qu’il a pu pour donner quelque éclat à ce malheureux petit peuple juif, le plus sot et le plus misérable de tous les peuples.

Vous avouez que ce Père de l’Église a été un peu maulèoniste[2], et cela suffit. Si d’ailleurs vous croyez qu’il ait ressemblé à quelques médecins qui croient à la médecine, je vous trouve bien bon et bien honnête. Sa conduite avec M. de Fénelon n’est pas d’un homme aisé à vivre ; et il faut avoir le diable au corps pour tant crier contre l’aimable auteur du Télémaque, qui s’imaginait qu’on pouvait aimer Dieu pour lui-même[3].

Au reste, je fais plus de cas de Porphyre, et je vous remercie en particulier d’avoir traduit son livre[4] contre les gourmands ; j’espère qu’il me corrigera.

J’ai l’honneur d’être de tout mon cœur, etc.

  1. Vie de Bossuet, par Burigny ; voyez la lettre 4626.
  2. Voyez tome XIV, page 43 ; et ci-dessus, la lettre 4626.
  3. Voyez l’article Amour de Dieu, tome XVII, page 175.
  4. Burigny a traduit de Porphyre, écrivain grec du troisième siècle, le Traité sur l’abstinence de la chair des animaux, 1747, in-12.