Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4588

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 339).
4588. — À M. LE MARQUIS D’ARGENCE DE DIRAC[1].
Aux Délices, 25 juin.

J’ai toujours l’air du plus grand paresseux du monde, monsieur, et vous savez que je ne le suis pas. Je n’ai pas réellement le temps d’écrire une lettre. Je suis surtout occupé actuellement à une édition des tragédies du grand Corneille, avec des remarques instructives sur la langue et sur l’art du théâtre ; c’est un surcroît de fardeau à tous ceux que je porte ; mais c’est un fardeau qui m’est cher. L’édition sera magnifique ; elle se fait par souscriptions, et le produit sera pour Mlle Corneille et pour son père, seuls descendants de ce grand homme, qui n’ont que son nom pour héritage. On ne payera rien d’avance. L’Académie française prend un grand intérêt à cet ouvrage. Le roi sera probablement à la tête des souscripteurs, et je me flatte que vous me permettrez de mettre votre nom dans la liste. Il n’en coûtera que quarante livres pour chaque exemplaire. Prenez-vous-en à Cinna et à Rodogune, et à une nouvelle histoire très-longue des horreurs et des superstitions du genre humain, si, après un si long silence, je vous écris une si courte lettre. Je suis d’un mauvais commerce ; mais je vous suis tendrement attaché pour la vie.

  1. Éditeurs, de Cayrol et François.