Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4510
Ma belle philosophe, amusez-vous un moment de ce chiffon[1], et si vous voyez M. Diderot, priez-le de faire mes compliments au cher abbé Trublet. J’aime à mettre ces deux noms ensemble. Les contrastes font toujours un plaisant effet, quoi que le monde en dise.
Amusez-vous toujours des sottises du genre humain ; il faut en profiter ou en rire.
Rousseau Jean-Jacques, que j’aurais pu aimer s’il n’était pas né ingrat ; Jean-Jacques qui appelle M. Grimm un Allemand nommé Grimm[2], Jean-Jacques qui m’écrit[3] que j’ai corrompu sa ville de Genève…, c’est un fou, vous dis-je, avec sa paix perpétuelle ; il s’est brouillé avec tous ses amis. C’est un petit Diogène qui ne mérite pas la pitié des Aristippes.
Adieu, madame. Je suis plus fâché que jamais qu’il y ait cent lieues entre la Chevrette et Ferney. Mais il y a bien plus loin encore entre vous et les plats personnages de ce siècle.