Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4459

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 202).

4459. — À CHARLES-THÉODORE,
électeur palatin.
Ferney, 9 février.

Ce pauvre vieillard suisse, cet homme si trompé dans tous les événements qui arrivent depuis quatre ans, ce solitaire si attaché à Votre Altesse électorale, qui voudrait être à vos pieds, et qui n’y est pas ; cet amateur du théâtre, qui aurait pu entendre les beaux opéras représentés dans le palais de Manheim, et qui peut à peine représenter le rôle du vieillard dans Tancrède chez des Allobroges calvinistes, prend la liberté de mettre aux pieds de Votre Altesse électorale une nouvelle édition de ce Tancrède, dont il eut l’honneur de lui envoyer les prémices. La tragédie présente de l’Europe me fait verser plus de larmes que Tancrède n’en a fait répandre à Paris. On pleure les malheurs publics et les particuliers, et voilà à quoi l’on passe son temps dans le meilleur des mondes possibles. La Jérusalem céleste, où j’aurai l’honneur d’aller tenir mon coin incessamment, nous dédommagera de tout cela, et ce sera un vrai plaisir. Ma vraie Jérusalem serait à Schwetzingen.

Je me mets à vos pieds, monseigneur, avec le plus profond respect.


Le petit Suisse V.