Correspondance de Voltaire/1761/Lettre 4457

Correspondance : année 1761
Garnier (Œuvres complètes de Voltaire, tome 41p. 200-201).

4457. — À M. LE COMTE D’ARGENTAL.
9 février.

Voici la plus belle occasion, mon cher ange, d’exercer votre ministère céleste. Il s’agit du meilleur office que je puisse recevoir de vos bontés.

Je vous conjure, mon cher et respectable ami, d’employer tout votre crédit auprès de M. le duc de Choiseul, auprès de ses amis ; s’il le faut, auprès de sa maîtresse, etc., etc. Et pourquoi osé-je vous demander tant d’appui, tant de zèle, tant de vivacité, et surtout un prompt succès ? Pour le bien du service, mon cher ange ; pour battre le duc de Brunswick. M. Gallatin, officier aux gardes suisses, qui vous présentera ma très-humble requête, est de la plus ancienne famille de Genève ; ils se font tuer pour nous, de père en fils, depuis Henri IV. L’oncle de celui-ci a été tué devant Ostende ; son frère l’a été à la malheureuse et abominable journée de Rosbach, à ce que je crois ; journée où les régiments suisses firent seuls leur devoir. Si ce n’est pas à Rosbach, c’est ailleurs ; le fait est qu’il a été tué. Celui-ci a été blessé : il sert depuis dix ans ; il a été aide-major, il veut l’être. Il faut des aides-majors qui parlent bien allemand, qui soient actifs, intelligents : il est tout cela. Enfin vous saurez de lui précisément ce qu’il lui faut ; c’est en général la permission d’aller vite chercher la mort à votre service. Faites-lui cette grâce, et qu’il ne soit point tué, car il est fort aimable, et il est neveu de cette Mme Calendrin[1] que vous avez vue étant enfant. Madame sa mère est bien aussi aimable que Mme Calendrin.

  1. Ou Calandrini, nommée au commencement de la lettre 3580.