Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4209

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 487-488).

4209. — À MADAME LA COMTESSE DE LUTZELBOURG.
Aux Délices, 2 août.

On n’a pas plus tôt appris une bonne nouvelles[1], madame, que vingt mauvaises viennent l’effacer. Est-il vrai que la discorde[2] est dans notre armée, pour nous achever de peindre ? On m’avait dit que la moitié de Dresde était réduite en cendres ; heureusement il n’y a eu que les faubourgs de saccagés.

Où est monsieur votre fils ? Vous savez combien je m’intéresse à lui. Puissent nos sottises ne lui être pas funestes ! J’ai encore l’espérance d’être chez vous à la fin de septembre. Je voudrais, madame, vous engager dans une infidélité. Je veux vous proposer de me faire avoir une copie du portrait de Mme de Pompadour. N’y aurait-il point quelque petit peintre, à Strasbourg, qui fût un copiste passable ? Je serais charmé d’avoir dans ma petite galerie une belle femme qui vous aime, et qui fait autant de bien qu’on dit de mal d’elle. On parle de troupes envoyées contre le parlement de Normandie[3] ; je les aimerais mieux contre le parlement d’Angleterre.

Portez-vous bien, madame ; laissez le monde en proie à ses fureurs et à ses sottises. Que j’ai d’envie de venir causer avec vous !

  1. Sans doute celle du combat de Corbach.
  2. Le comte de Saint-Germain, mécontent que le duc de Broglie l’eût à peine nommé dans son rapport au ministre, relativement au succès de la journée du 10 juillet 1760, venait de quitter l’armée française ; et bientôt il prit du service en Danemark.
  3. Le maréchal de Luxembourg, père de la princesse de Robecq, se trouvait alors à Rouen, par ordre du roi, et une telle mission dans la capitale de cette province, dont il était gouverneur, rappelait celle qu’il y avait remplie contre la haute magistrature normande en 1756.