Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4171

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 443-444).

4171. — À M. LE CONSEILLER LE BAULT[1].
Aux Délices, 3 juillet.

Monsieur, si vous avez un simple tonneau de votre bon vin, une demi-queue, elle sera reçue avec reconnaissance ; on la boira à votre santé, on la payera loyalement selon notre coutume ; mais il faudra attendre que les chaleurs soient passées. C’est une affaire de fin d’automne : nous verrons alors combien vous voudrez nous donner de vin d’ordinaire. Nous en avons fait venir beaucoup, mais il faut le garder longtemps, nous boirons le vôtre en attendant.

Le président de Brosses, quoique vous vouliez l’excuser en vous moquant de lui, est un négligent, avec le respect que je lui dois, car il pouvait très-bien envoyer du plant de Bourgogne en novembre puisque j’ai planté des brimborions de vigne en décembre qui ont très-bien réussi ; ceux que vous eûtes la bonté de m’envoyer vont à merveille, je ne me plains de rien dans mes terres que de la rapacité des gens de justice de Gex, qui ruinent tout le pays. Un procureur nommé Dulcis, dont le nom est un contre-sens, fait vingt pages d’écriture pour quelques vaches entrées dans le pré d’un voisin, et vous met en gros caractères deux mots dans une ligne avec une conjonction ou sans conjonction,


Sieur ÉTIENNE
ami citoyen de et douze lignes dans
Genève, étant de une page
séjour à Moin


et puis le coquin fait payer 8 livres 10 sous pour sa pancarte, et il en coûte 1 livre, et cela se renouvelle tous les jours : les paysans se réfugient dans le territoire de Genève, le pays se dépeuple, on n’y trouve pas un ouvrier ; cela est d’autant plus sérieux que personne n’y met ordre. Je vous supplie très-instamment, monsieur, de vouloir bien me dire comment il faut m’y prendre pour réprimer cet abus intolérable, poussé à l’excès ; j’attends cette grâce de votre humanité et de votre justice.

J’ai l’honneur d’être, avec les sentiments les plus respectueux, votre très-humble et très-obéissant serviteur.


Voltaire.

  1. Éditeur, de Mandat-Grancey. — En entier de la main de Voltaire.