Correspondance de Voltaire/1760/Lettre 4068

Correspondance de Voltaire/1760
Correspondance : année 1760GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 326-327).

4068. — À M. LE COMTE DE LA TOURAILLE[1].
Aux Délices, 10 mars.

Il paraît, monsieur, par votre lettre et par vos vers, que vous êtes bien digne d’être auprès d’un prince qui nous fait espérer de revoir bientôt le grand Condé. Il en a l’esprit et la valeur.

Les faibles ouvrages qui ont pu échapper à mon loisir et à l’inutilité dont j’ai toujours été dans le monde méritent peu d’être honorés de ses regards. Je ne dois sans doute qu’à vous, monsieur, cette bonté de Son Altesse sérénissime. Recevez-en mes remerciements. Le parti de la retraite, que j’ai pris, ne me rend point insensible à l’honneur que vous me faites.

Je ne suis depuis cinq ans qu’un laboureur et un jardinier ; mais, quoique je ne sacrifie plus qu’à Cérés et à Pomone, votre commerce me ferait encore aimer les muses. Je me souviens avec plaisir de mes premières passions quand elles sont justifiées par votre exemple. Un commerce tel que le vôtre me serait bien précieux. S’il vous prenait envie de m’envoyer quelque chose, soit de vous, soit de vos amis, je vous prierais de vouloir bien adresser les paquets sous l’enveloppe de M. de Chenevières, premier commis de la guerre, à Versailles.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec l’estime que vous m’inspirez et les sentiments que je vous dois, etc.

  1. Christophe, comte de La Touraille, écuyer du prince de Condé, était né en Bretagne, à Augan, près Ploermel. Il a laissé quelques ouvrages. Il est mort après 1790.