Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3992

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 250).

3992. — À M. LE COMTE D’ARGEINTAL.
5 décembre.

Mon cher ange, que dites-vous de Luc, qui me mande le 17 : Je vous écrirai plus au long de Dresde ? et le troisième jour vous savez ce qui lui arrive[1]. Vous voyez qu’il ne faut compter sur rien, pas même sur nos flottes, pas même sur les tragédies de M. de Thihouville[2]. Voyez ce qui arrive à frère Berthier ; il va à Versailles dans toute sa gloire, et meurt[3] en bâillant. On n’est sûr de rien dans ce monde ; j’en excepte Tancrède. Vous devez être sûr, mon divin ange, que je la mettrai à vos pieds ; et, si elle a le sort de Thibouville, ce ne sera pas sans y avoir bien songé. Je me flatte que Spartacus va se montrer. Seriez-vous assez ange pour faire dire au faiseur de Spartacus que mes chevaliers n’osent se battre contre ses gladiateurs, et que mon estime et mon amitié lui ont cédé volontiers le pas ?

Je vois que la prose du traducteur de Pope ne lui a point du tout réussi. Pourriez-vous avoir la bonté de me dire si ses successeurs écrivent plus rondement et ont le style moins dur ? Que pense-t-on des billets ou actions des fermes ? Il est bien bas de vous parler de cette prose, ou plutôt de ces chiffres, au lieu de vous envoyer des tirades d’Aménaïde, en vers croisés ; mais on n’est pas toujours sur Pégase, on est ballotté dans le même vaisseau où vous criez tous miséricorde.

  1. Le 20 novembre se donna le combat de Maxen, et le lendemain un corps prussien, fort de seize bataillons et de trente-cinq escadrons, se rendit au général autrichien Daun. (B.)
  2. Namir n’avait eu qu’une représentation.
  3. Voyez tome XXIV, page 96.