Correspondance de Voltaire/1759/Lettre 3923

Correspondance de Voltaire/1759
Correspondance : année 1759GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 40 (p. 168-169).

3923. — À M. DE CHAUVELIN[1],
intendant des finances.
À Tournay, 7 septembre.

Non plainte.
Non requête.
Non procès ;
Mais très-humble consultation.
Toujours centième denier.
Un peu d’attention, s’il vous plaît, monsieur.


Par contrat fait et passé le 20 auguste, V… a bien voulu donner 3,115 livres comptant pour tirer son vassal Bétems de prison, et ledit Bétems abandonner son rural au pays de Gex jusqu’à ce que V… soit remboursé sur les fruits de ce rural, et le tout sans intérêt, ainsi qu’il est spécifié au contrat.

Or la sangsue commise par les fermes générales exige le centième de cette bonne action.

De quel droit, sangsue ? Est-ce ici une aliénation, un bail à vie ? est-ce aliénation de fonds ? Est-ce un bail de plus de neuf ans ?

Le fonds dont je deviens régisseur vaut environ 700 livres par an. Comptez, vous trouverez qu’en quatre ans et demi tout est fini. Pourquoi fourrez-vous votre nez dans un plaisir que je fais à mon vassal de Tournay ? Pourquoi prenez-vous votre part d’un argent prêté par pure charité ? Si vous m’échauffez les oreilles, je me plaindrai à M. de Chauvelin.

Vous m’avez extorqué là, avec la petite oie, 50 livres ; sachez que je les retiendrai (car M. de Chauvelin le jugera ainsi) sur le centième de l’acquisition à vie de Tournay. Je ne veux pas importuner le roi pour avoir un brevet d’exemption ; je suis satisfait de ses bontés, l’État a besoin d’argent. Oui, vous aurez votre centième d’acquisition à vie, en protestant que c’est au rusé président de Brosses à le payer, non à moi. Patience ! mais, pour vos 50 livres extorquées, vous les rendrez, s’il vous plaît, ou il n’y a point de justice sur la terre. Vous êtes chicaneur et vorace ; vous dégoûtez de faire du bien.

Si M. de Chauvelin met non en marge de ma pancarte, je me tais ; mais il mettra si.

Le laboureur V… présente ses respects à monsieur le protecteur des édits, et à monsieur l’abbé, son frère, examinateur des édits. Il le supplie de permettre que cette lettre[2] pour monsieur l’ambassadeur, soit mise dans son paquet.

Du théâtre de Tournay, pays de Gex, pays charmant, mais où la terre ne rapporte que trois pour un, pays où j’entretiens les haras du roi à mes dépens, et où je n’ai point d’avoine ; ainsi tout va.

  1. Voyez tome XXXIII, page 206.
  2. Cette lettre manque.