Correspondance de Voltaire/1758/Lettre 3732

Correspondance de Voltaire/1758
Correspondance : année 1758GarnierŒuvres complètes de Voltaire, tome 39 (p. 564-565).

3732. — À. M. DE BRENLES.
Aux Délices, 27 décembre.

Êtes-vous à Lausanne ? êtes-vous à Ussières, mon cher philosophe ? Je vois que cette année vous vous passerez de comédies : il faudra vous en tenir aux sermons ; mais, franchement, je crois que nos acteurs valent mieux que vos prédicateurs. Dites-moi par quel hasard malheureux vous vous avisez d’avoir un beau-frère catéchiste[1] à Vevay ? Comment diable peut-on avoir un beau-frère catéchiste ! Le pis est qu’on dit que ce beau-frère ne sait point son catéchisme. C’est lui qui est l’auteur d’un libelle contre les vivants et les morts, inséré dans le délicat Mercure suisse. En ce cas, vous devez lui faire signifier que vous n’êtes plus son beau-frère, attendu que vous laissez les morts pour ce qu’ils sont, et que vous êtes très-aimable avec les vivants. On dit encore qu’un de vos libraires de Lausanne a imprimé des Lettres[2] sous mon nom, et qu’il les a envoyé vendre à Paris. Il me paraît qu’on fait argent de tout : ne serait-ce point M. Grasset, à qui le feu pape donna ses divins ouvrages, qui serait l’auteur de cette nouvelle friponnerie ? Il ne me reste que de le prier à dîner dans un de mes petits castels, et de le faire pendre au fruit. J’ai heureusement haute justice chez moi ; je ne l’ai pas moyenne chez vous ; et si M. Grasset veut être pendu, il faut qu’il ait la bonté de faire chez moi un petit voyage. Franchement je vois que j’ai fait à merveille d’avoir des créneaux et des mâchicoulis ; j’étais trop exposé aux prêtres et aux libraires. Cependant, malgré les beaux-frères et les Grasset, je viendrai vous voir le plus tôt que je pourrai, vous et votre philosophe de femme, à qui je présente mes hommages. V.

Je crois qu’on a payé à M. Steiger[3] les bavards anglais qu’il a eu la bonté de faire venir pour moi.

  1. Il s’appelait Chavanes ; mais l’auteur du libelle était Lervèche : voyez lettre 3692.
  2. Voltaire pouvait croire qu’il y avait de ses lettres dans le volume imprimé par Grasset. Mais ce volume, intitulé Guerre littéraire, ne renfermait qu’une seule lettre de Voltaire (le n° 3340).
  3. Cet avoyer de Berne avait envoyé à Voltaire les livres anglais dont il parle dans sa lettre 3692 ; et c’est ce qu’il appelle les bavards anglais ; voyez lettre 3739.